Le sans gluten : Effet de mode ?

S’il y a bien un terme qui, au 21e siècle, revient plus souvent dans les conversations que toutes les marques de smartphones et les noms des équipes de football réunies, c’est bien « gluten ». Le gluten, semble-t-il, provoque plus de détresse dans le monde que le capitalisme et les dictatures. Lorsque son nom est mentionné, cette protéine céréalière (car le blé n’est pas le seul à la contenir, nous en reparlerons) fait trembler le plus consciencieux des consommateurs et fait trépigner de joie les industriels.

Qui n’a pas constaté l’apparition des rayons « gluten-free » dans les grandes surfaces ces dernières années ? Il semble que toute personne faisant un tant soit peu attention à sa diète se doive de dédier une partie de son sac cabas à de tels produits. Devriez-vous en faire autant ?

DE MAL PEU RÉPANDU…

La maladie cœliaque, communément qualifiée d’intolérance au gluten, toucherait environ 1% des français, d’après cette étude. Cependant, lorsque des sondages sont menés, les chiffres faisant surface sont radicalement différents, variant de 5% en France, à 30% aux États-Unis, d’individus s’auto-diagnostiquant comme intolérants.

Il s’agit là d’un effet de mode solidement ancré dans la société et conforté par la présence d’alternatives sans gluten à ce danger potentiel. Ce phénomène est facilement interprété : si certaines personnes peuvent être affaiblies par le gluten, pourquoi prendre le risque d’en consommer soi-même ? Le raisonnement est tout à fait valable, mais la réaction opportuniste de l’industrie alimentaire l’est un peu moins.

Avant d’aller plus loin, définissons clairement ce qu’est le gluten. Présent dans de nombreuses céréales telles que le blé, l’épeautre (un très proche ancêtre du blé), le « kamut » (blé khorasan), l’orge ou le seigle (et, dans certains cas, l’avoine), le gluten est la somme des réserves d’acides aminés permettant à la céréale de se développer, de transformer l’énergie de la graine en structure végétale. Une fois mélangées à de l’eau pour former la pâte, ces acides aminés (la prolamine et la gluténine) forment une substance élastique qui donne, dans le cas de la mie de pain à base de farine de blé, cet aspect léger et élastique qui sera absent des confections à base de farine sans gluten, comme celle de maïs ou de riz.

Lorsqu’il est consommé par un intolérant, ce gluten provoque au niveau des parois de l’intestin une réaction immunitaire démesurée au cours de laquelle le corps humain s’attaque lui-même : il s’agit d’une maladie auto-immune, et nos propres globules blancs sont ceux provoquant les dégâts dans cette situation de « fausse alerte ».

… À AUBAINE INDUSTRIELLE GLOBALE

En toute logique, il suffirait donc aux consommateurs touchés par ce mal de ne pas intégrer les céréales citées ci-dessus dans leur alimentation, et d’éviter si possible de consommer trop de marques dont la mention « possible traces de gluten » figure dans la liste des ingrédients. La semoule de riz se prêtera sans sourciller à l’expérience couscous, la crêpe de sarrasin remplacera avantageusement la crêpe à base de farine de blé (cette première n’est en général utilisé que pour des préparations salées, mais donnez-lui une chance avec de la cannelle et des raisins, c’est délicieux), et des nombreuses alternatives existent à votre baguette quotidienne. S’alimenter sans gluten est une bonne occasion de cuisiner soi-même à partir d’ingrédients de confiance, ce qui sera toujours meilleur que de l’industriel.

Les industriels, cependant, ne voient pas la chose de cet œil. Consciencieux de notre santé et de leurs dividendes, ils mettent à notre disposition pléthore de produits garantis sans gluten. Excellente nouvelle, donc, à deux points près.

Premièrement, les marques gluten free pratiquent des prix allant du double au quintuple de la concurrence aux produits moins rigoureux. Une même bouchée de sablé peut donc vous coûter cinq fois plus cher : mieux vaut s’assurer que ce débordement économique vous est vraiment nécessaire. Deuxièmement, même s’ils ne contiennent pas les maléfiques protéines de blé, les produits sans gluten ne sont pas nécessairement sains. De la farine ultraraffinée au sirop de glucose-fructose en passant par les graisses de qualité discutable, les produits que vous pensez être bénéfiques à votre santé sont en fait aussi intéressants nutritionnellement qu’une poignée de sucre versée sur un cube de beurre. Il sera de ce fait préférable de jeter un coup d’œil au prix avant de remplir le panier, et de s’assurer que les ingrédients contenus ne sont ni trop raffinés, ni trop déséquilibrés.

Pour conclure, choisir de s’alimenter sans gluten n’est un mauvais choix pour personne, mais il faut savoir rester vigilant et ne pas devenir la victime d’un effet de mode onéreux. Il existe de nombreuses et savoureuses alternatives aux céréales à gluten, mais acheter des ingrédients de qualité et les préparer soi-même permet toujours de n’avoir au final que des avantages, qu’ils soient d’ordre financier, gustatif ou biologique.